Cela faisait bien longtemps que je n'avais rien écrit... Mais me revoici avec un texte écrit d'un trait il y a quelques nuits déjà, peu avant la fin des vacances.... L'inspiration a choisi son moment !! Mais c'est à l'heure des rêves qu'elle est le plus fertile il faut croire ! Mon inconscient et mon imagination se battent encore pour les droits d'auteur... alors nous dirons d'Arthur et Jade que leur histoire leur appartient...
Avertissement : attention, si vous aimez les histoires simples et écrites dans l'ordre, si vous tenez à ce que chaque détail de ce monde incohérent tiré des brumes du rêve soit justifié, expliqué, vous serez déçu ! Tout comme eux, laissez vous dépasser...
Arthur et Jade
Elle s'appelle Jade. Sa mère trouvait seulement ce nom de pierre chinoise joli et original, tant pis ou tant mieux pour l'exotisme, c'est celui qu'elle avait choisi. Lui se nommait Arthur.
Une bien belle histoire, et on se demande comment ça a pu déraper. Comment il s'est retrouvé en caleçon, dans cette grande école en ruine, couvert d'eau et de débris, près de son ancien meilleur ami, lui aussi en piteux état, ensanglanté, lui disant que les pompiers sont partis chercher du secours... qu'ils sont là parce qu'Il a fait une TS et que lui n'a pas fermé les portes de sécurité. C'est un résumé assez vague mais lui s'est blessé à la tête dans une tentative désespérée de rattraper ses conneries au lieu de laisser faire les professionnels et là il n'a pas les idées claires, mais plutôt rouges foncées.
Tout commence ce jour là, où Jade prépare son voyage. Un échange scolaire de neuf mois dans ce pays inconnu, le Québec, qu'elle a quitté quand elle avait cinq ans pour s'expatrier dans un pays du Nord, pour le boulot de sa mère, en Scandinavie. Et comme si y vivre avait fait muter ses gènes, elle avait ce teint blanc, ce naturel... et une chevelure blonde, mais pas froide, flamboyante, naturelle, pleine de reflets, et des tâches de rousseur discrètes qui lui donnent un air unique. C'est sa mère qui a vu l'annonce. Il lui fallait des cours sur place, une sorte de remise à niveau, comme un rattrapage, parce que cette école est sacrément spéciale. Il faut faire partie des meilleurs. Alors, des capacités, elle en a des bonnes, mais il lui reste quelques lacunes. L'annonce précise seulement qu'il faut être adepte du vélo. C'est bizarre et, sur le moment, Jade se demande pourquoi. Elle en plaisante, imagine le jeune homme trimballant ses élèves en vélo, alignés sur le guidon. L'image est comique. Elle l'imagine faisant la leçon à une dizaine de gamins. Elle a lu, sur sa fiche de renseignement qu'il avait déjà fait ce type de boulots. Elle sait qu'il a son âge... Sur le site, il n'a pas mis sa photo. Elle a hâte de le rencontrer, une impatience inexplicable qui lui dit qu'il va être quelqu'un de vraiment important. Elle ignore dans quelle mesure, c'est une sorte de pressentiment.... Un souhait aussi, peut-être...
Sur place il y a vite cette ambiance de souvenir d'enfance... comme si cette routine existait depuis toujours. Et comme si elle resterait figée, comme si rien ne changerait, comme si cela durerait des années. Toujours. Chaque fois que cela lui revient en mémoire, et que l'échéance se présente à ses yeux, s'impose devant elle, elle les ferme, elle l'occulte, elle ne veut pas savoir.
Elle se dit qu'on n'en est pas encore là, que rien ne sert d'y penser, et elle attend le lendemain, avec plus d'impatience encore, pire, avec cette passion grandissante qui les gagnera tous les deux.
Son emménagement en ville, dans la famille d'accueil du pays, les cours mis en place, l'école elle même... On peut passer tout ça, car elle n'en gardera pas grand chose. Ne laissant que lui. Lui et eux. Eux et leurs délires, eux et leur amour. De leur rencontre, au départ professionnelle, elle ne garde que son visage. Ce qu'ils se sont dits, ils l'ont oublié. Ils ne s'écoutaient pas vraiment eux-mêmes d'ailleurs. Ils sentaient un enjeu, au delà des préoccupations terrestres de rattrapage en maths et en physique. Le dialogue à retenir, c'est celui de leurs regards, cette deuxième conversation qui a tout éclipsé. Je ne t'ai jamais vu mais c'est comme s'il y avait eu ta photo sur l'annonce. Comme si c'était pour toi que j'étais venue, que pour tes cours, la grande école n'est qu'un prétexte. C'est pour toi que je me suis exilée de mon pays d'origine. On n'a qu'à dire que c'était le destin, qu'il était écrit qu'il me fallait revenir, qu'il fallait partir pour un jour venir te découvrir en étrangère. Et toi, tu es si mystérieuse, je ne peux déjà plus détourner mon regard de toi. Et mes amis te trouveront banale. C'est qu'ils ne sauront pas regarder. C'est que leurs yeux seront trop faibles pour voir les liens qui te lient déjà à moi comme si tel avait toujours été le cas depuis la nuit des temps. Et déjà je sais, sans pourtant que mon esprit ne le mette en mots, je sais que ma vie est déjà changée par ta présence, que toute mon existence va graviter autour de toi comme une planète autour de son étoile.
Mais ni l'un ni l'autre ne sait ni ne veut bien croire qu'à trop s'approcher du Soleil on se brûle.
Et il a froid maintenant, le grand brûlé délaissé par l'amour, couché sur le sol de ce couloir de l'école hi-tech en ruine, dont les fondements tremblent à cause d'un malheureux hasard de rencontres, d'erreurs humaines, de portes pas fermées, d'examen stressant, de père dépassé en costume bien repassé, trop serré, de pompiers amateurs, dernières recrues qui ont peur du sang, dont l'un crève tellement de trouille qu'il tremble au point d'en lâcher la civière et qu'ils sont partis chercher la deuxième... Il faudrait des couvertures de survie aussi, mais on n'a pas le temps et il vaudrait mieux appeler les collègues, les vrais. Pour eux c'est juste une couverture. Perdus dans le dédale des couloirs, ils représentent un bien piètre espoir, même si dans les films tout est possible pour que ça finisse bien. Mais la seule qui le sauvera, c'est Elle. Elle qu'il croit perdue à jamais. Mais il faudrait un miracle alors, et il espère qu'il est vraiment dans un film, et que les scénaristes ont de la ressource, parce que lui, il est à court d'idées. Et puis il faudrait faire vite parce que sa tête s'embrouille à mesure que le sang continue de couler. Il a du mal à se rappeler qu'il voulait mourir quelques instants plus tôt et il ne se souvient même plus du moment où, dans la baignoire, il a laissé la lame... Frissonnant, il a un rire, un rire nerveux, absurde, qui le secoue douloureusement sans qu'il ne puisse s'en empêcher. Pourquoi, avec les milliers de façon existant pour mourir, pourquoi a-t-il choisi celle-là, qui est douloureuse et inefficace ? S'il s'en sort il aura une cicatrice ridicule pour lui rappeler tous les jours sa bêtise. Ça c'est sûr, quoi qu'il arrive, il ne recommencera pas, mort ou vif... Grelottant encore, il médite sans grand sérieux sur le geste stupide qui consiste à se déshabiller avant pour entrer dans la baignoire avant de passer à l'acte... Il a murmuré son raisonnement. L'autre blessé, qui est encore conscient, le félicite d'avoir gardé son caleçon. Et il le ramène à l'absurdité de la situation. Comment en sont-ils arrivés là ?
Alors son image vient. Il se demande comment cela a pu déraper, quand tout était si évident, si naturel... trop peut-être.
Existe-t-il ce destin qui relie les êtres, les fait se rencontrer et leur révèle que ce n'est pas une erreur, lui pour elle et elle pour lui, comme depuis toujours, comme une évidence et puis... ça. Comment a commencé l'histoire, on le sait à peu près mais ensuite chaque jour se confond, c'est comme s'il n'y en avait qu'un, recommencé à l'infini et sans aucune lassitude. Deux êtres complices, main dans la main , guidon contre guidon, roulant comme des fous sur cette route. Deux flics rabat-joie, une route interdite avec une pente raide et de travers, mais qui va tout droit sur le chemin. Et cette montée d'adrénaline dans leur course vers cette pente interdite, leur coup de frein, le dérapage, et la suite de l'aventure, à vive allure, faisant le tour du pâté de maison. Et leur arrivée, essoufflés. Leurs vélos accrochés ensemble, au même antivol. Et la journée qui continuait, et la vie qui commençait pendant ce trajet, faisait le plein jusqu'au lendemain. Quand il était petit, la rue n'était pas en sens interdit, mais il faisait le tour quand même, parce qu'il avait peur de cette pente raide, peur de tomber, peur d'arriver au bout. Il n'allait pas à la même école, mais c'était aussi sur le chemin. Le chemin qu'il faisait tout seul. Mais elle est là maintenant, elle est là.
Allongé sur le sol, il se rappelle cette sensation, ce elle est là qui veut tout dire. Avec elle plus rien n'avait d'importance, peu importaient les épines si la rose était jolie. Pour elle il aurait escaladé une montagne, avec lui elle aurait oublié son vertige. Mais il ne savait pas que ce vertige elle ne l'avait pas qu'en hauteur, il ne savait pas qu'elle était plus lucide que lui et que, tout ce qu'elle oubliait dans leurs délires, et entre ses bras, elle y pensait plus tard, et qu'elle s'inquiétait pour lui des chiffres qu'affichait le thermomètre de leur fièvre passionnée... Ensemble, tout était possible, il n'y avait plus de limite, leur complicité brisait les interdits. Ensemble ils étaient au-dessus de tout.
Un jour ils ont pris les vélos et les ont enfourchés comme chaque matin et sont partis à vive allure sans regarder derrière eux. Ils ont suivi les trois premières routes, les virages, le rond point où les deux flics étaient postés chaque matin et les ont salués d'un salut ironique mais non répréhensible. Et puis ils se sont embarqués dans la rue suivante, non sans avoir échangé un regard. C'était le même chaque matin. Aucun autre geste. Aucune conversation antérieure. Mais face à la pente finale, aucun n'a freiné, aucun n'a ralenti. Ils allaient tellement vite emportés par la pente qu'il leur semblait qu'ils avaient des ailes, que le sol ne les portaient plus, que les roues étaient factices et que la pente était éternelle. Au bout, tout en bas, bien en face, il y avait une vitre. Bien propre, bien nette, on voyait si bien à travers qu'elle aurait tout aussi bien pu ne pas exister. Mais elle existait bel et bien et nos deux fous du guidon avaient beau le savoir, leurs freins avant et arrière ne suffirent pas à les arrêter.
Le spectacle fut grandiose et fulgurant. Ils passèrent complètement à travers la vitre, mais pas au ralenti. Synchrones, ils atterrirent à la même seconde sur le sol, au milieu d'une mare de débris de verre. Pour une raison inexpliquée, ils étaient indemnes et c'est le cœur battant, se sentant plus vivants que jamais, qu'ils suivirent le directeur dans son bureau.
Curieusement ils n'ont pas retenu de quoi ils avaient écopé, si ce n'est le prix de la vitre à remplacer. Mais quelque chose... oui, quelque chose est le mot, car c'était presque imperceptible, innommable. Quelque chose avait changé. Une limite franchie avait réveillé un certain vertige, une certaine lucidité. Jade, ce soir là, ne put s'empêcher de réfléchir. Elle alla le trouver, elle voulait lui expliquer, lui faire part de ses angoisses. Mais elle comprit que c'était impossible.
Elle crut qu'il n'y avait qu'une solution, qu'il allait gâcher sa vie avec elle, lui qui avait un avenir si prometteur, parce qu'ils étaient trop proches des limites du système. Parce qu'ils s'aimaient trop et croyaient ensemble au destin. Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas lui faire comprendre tout ça. Elle savait que dès qu'elle poserait ses yeux sur lui, ses angoisses s'envoleraient, elle serait impuissante. Alors, devant son miroir, elle se composa un masque aux yeux froids, qui le regarderait sans le voir. Et elle lui mentit aussi fort qu'elle l'aimait. Elle fit dévier la conversation vers un détail sans importance, elle déclencha la dispute en prenant le premier prétexte. Et elle l'aimait si fort qu'elle mentit si bien... qu'elle le persuada qu'elle ne l'avait jamais aimé, que tout n'avait été qu'illusion. Et elle partit.
Elle partit comme prévu, en vérité. Il n'avait jamais été question de rester plus que ces quelques mois. Neuf mois pour mûrir et accoucher d'un amour trop fort pour deux êtres trop faibles. Elle partit juste un peu en avance, en décidant par peur de cette séparation obligée. Persuadée qu'elle était qu'il vivrait mieux sans elle.
Et elle avait tort, vous le savez. Voyez dans quelle situation il est maintenant...
Après son départ, il a sombré. Il a continué à être un très bon élément de son école, très doué, très tout, dont son père était fier. Mais lui n'en avait rien à faire. Ses capacités lui assuraient de bonnes notes mais lui n'était pas là. Il avait perdu son âme. Et ce vide, rien ne pouvait le combler. Rien qu'elle. Il se brouilla avec ses amis, un à un, derniers témoins de son éclatant passage. Il multiplia les bêtises, les provocations, il descendit bien des fois la pente raide, amorphe, tentant de retrouver une once de cette sensation de vie... Mais il manquait à côté du sien un autre cœur qui battait la chamade en accord avec lui.
Elle avait peur de l'enfermer dans une prison de jade, mais son sacrifice n'avait servi à rien. Il était prisonnier du vide, mort en dedans, il n'avait qu'une demie-vie.
Et ce jour là, il rendit sa copie parfaite en insultant le correcteur. Quitta la salle en avance. Se dirigea vers sa chambre, dans l'école — il ne supportait plus de faire le trajet seul. Il était dans un état second, le même depuis des mois, un an peut-être. Il n'avait pas le cœur à compter, il n'avait pas le cœur.
Le reste est flou, peut-être une onde de choc venu d'une salle du rez de chaussée où se déroulaient les expériences de la classe de volcanologie ou sismologie, ou un autre truc du genre, qui plaisait bien aux scénaristes... Peu importe le moyen, rien n'était aussi fort que son propre séisme. Les élèves ont été évacués en plein examen, et lui était seul, dans cette foutue baignoire rouge. C'est son ancien pote qui a compris où il était. Et la suite est là.
Comment cela va-t-il finir ?
Si les scénaristes sont d'accord, les vrais pompiers sauveront nos deux gars. Quant à l'école... C'est comme elle veut, elle n'est pas obligée de tomber, maintenant que tout le monde est en sécurité... C'est vrai ça, pensez au pauvre directeur... ce ne serait pas gentil de tout lui ficher par terre sous prétexte qu'un élève a oublié de tout verrouiller... en plus tout ça me paraît flou et peu concret et, comme moi, j'imagine que vous ne voyez pas trop le rapport entre cette porte et un éventuel effondrement... Soyez réalistes, tout ça n'arrive que pour Arthur.
On a ce qu'on a voulu, le blessé du cœur regrette sa TS, pour le reste, on s'en contrefiche.
Et Jade dans tout ça ? Est-ce qu'elle va revenir ? Je suis assez pour, ces deux là ont bien besoin d'une explication.
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J'ai choisi cette vidéo pour illustrer la nouvelle en partie à cause des vélos qui y apparaissent et pour la chanson qui me rappelle la partie quotidienne de l'histoire d'Arthur et Jade. J'aurais aimé trouver une chanson traduisant les états plus graves présents dans la nouvelle... si vous en avez une en tête, je suis preneuse !